Danse Médiévale

On ne dispose d’aucun document permettant de se faire une idée précise des danses pratiquées avant le XVème siècle. Les images sont nombreuses et montrent que les chaînes ouvertes (farandoles) ou fermées (rondes) étaient habituelles, comme c’est encore le cas à la Renaissance. Mais quels étaient les pas ?

Cela pose un problème « d’actualité » si j’ose dire car les fêtes médiévales se multiplient et connaissent beaucoup de succès. Que faire si l'on se refuse à piocher dans le répertoire traditionnel ou dans celui de la Renaissance ?


Pour la fête médiévale de Montrond-les-Bains en 2005, 2007 et 2009 j'ai adopté une solution qui consiste à appliquer le principe du « branle coupé » à des musiques du Moyen-Âge.


Le Branle coupé est connu en danse Renaissance. La musique est composée de plusieurs phrases, chacune ayant sa petite chorégraphie. L’Orchésographie donne entre autres l’exemple du Pinagay :

  • Sol sol sol sol la la si, ré-do-si = deux pas à gauche, saut sur un pied
  • Sol sol sol sol la la si, ré-do-si, ré-do-si, ré-do-si = deux pas à gauche, trois sauts
  • Si la sol la fa sol la sol, si si la sol sol fa sol = deux pas à gauche, deux pas à droite


La proposition est donc de commencer par choisir une musique du siècle voulu, puis d'observer la manière dont elle est structurée : les phrases musicales n’ont pas toujours la même durée (si l’on reprend l’exemple de Pinagay, la première phrase dure 5 temps, la deuxième 7 et la troisième 8).

Ensuite il faut voir ce qui se passe mélodiquement. Dans notre exemple la première et la deuxième phrase commencent de la même manière, on applique donc les mêmes pas en ajoutant quelque chose à la fin de la deuxième. La troisième phrase est différente, on pourrait la danser d'une autre manière (Pinagay reste néanmoins très proche du Branle Double).

danse médiévale


Il s’agit en somme de « chorégraphier » une musique médiévale comme on aurait pu le faire à la Renaissance…

J’ai eu ensuite le plaisir de constater que d’autres sont arrivés au même genre de proposition, et recommande les ouvrages qu’on peut se procurer ici

Un petit aperçu des danses présentées à Montrond-les-Bains en 2009

XVème siècle

Là c'est plus clair. Après des traités italiens nous avons L'Art et Instruction de bien dancer, imprimé à Paris par Michel Toulouze entre 1488 et 1496. Il nous renseigne sur les pas exécutés dans une "basse-danse". En schématisant un peu :

  • Révérence ou Reprise : placer le pied droit derrière le gauche et s'incliner
  • Branle : porter le poids du corps sur la jambe gauche, puis sur la jambe droite
  • deux Simples : un pas du pied gauche et ramener le pied droit, un pas du pied droit et ramener le pied gauche.
  • Double : trois pas (du pied gauche, du pied droit, du pied gauche et ramener le droit)

En comptant les deux Simples comme un seul pas de danse on peut dire que ces quatre pas occupent tous la même durée.


Ces pas sont combinés de différentes manières, en particulier en variant le nombre de Reprises successives (une ou trois) ou le nombre de Doubles (un, trois ou cinq). Voici l'exemple d'une basse danse intitulée "Filles à marier" :

  • Révérence, Branle, deux Simples, 3 Doubles, deux Simples
  • 3 Reprises, Branle, deux Simples, 1 Double
  • 3 Reprises, Branle, deux Simples, 3 Doubles, deux Simples
  • 3 Reprises, Branle, deux Simples, 1 Double
  • 3 Reprises, Branle.


Si l'on suit les phrases musicales il faudrait plutôt classer ces pas ainsi :

  • Révérence, Branle, deux Simples, 3 Doubles, deux simples, Reprise
  • 2 Reprises, Branle, deux Simples, Double, 3 Reprises
  • Branle, deux Simples, 3 Doubles, deux simples, 2 Reprises
  • Reprise, Branle, deux Simples, Double, 3 Reprises, Branle.

Cela donne une subtile variété à la danse : la deuxième phrase commence à la deuxième Reprise, la troisième après les Reprises et la dernière, à la troisième Reprise. Ces enchainements de trois Reprises, qui pourraient être monotones, sont ainsi découpés différemment à chaque fois.


Voyons maintenant la partition. Ce sont des portées de quatre lignes, avec une clé d'ut sur la troisième. "Filles à marier" commence par la, la, do, sol, do, ré, do, do... (cette descente d'un ton, ré-do, indique une fin de phrase) :

basse-danse

En dessous du titre "Filles à marier", on lit une série de lettres : R b ff ddd ff rrr (etc.) c'est la chorégraphie : R ou r pour Révérence, b pour Branle, ff (en fait "ss") pour deux simples, d pour Double.

Il y a un pas de danse pour chaque note de musique. Le rythme n'est pas indiqué mais d'autres partitions de basses danses nous sont parvenues, qui sont en "mineur parfait". Cela pourrait se traduire par une mesure à six quatre : deux temps (blanches pointées) avec une subdivision ternaire (trois noires par temps).

La question du rythme étant réglée, il reste à composer un contrepoint à partir du "ténor" qui est donné. Grosso modo, la partie supérieure accompagnera à la sixte, en commençant et en terminant par l'octave. La partie inférieure jouera alternativement à la quinte et à la tierce du ténor (sans craindre de passer au dessus) ...
Et puis on ajoutera un peu d'ornementation, pour faire de ce "contrepoint" un "contrepoint fleuri"...

***


On a tenté d'expérimenter "Filles à marier" dans la vidéo qui suit. Le parcours au sol (la série deux simples-trois doubles-deux simples dansée en "fontaine" et la série deux simples-un double dansée en tournant) est un ajout personnel.

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